Vous en avez déjà surement croisé aux Fresnaies, ais les conaissez-vous vraiment ?
Alain Benoist vous présente son premier article dans la série « Les Monstres Marins » :
Craspedacusta Sowerbyi
Comme les anémones de mer, les méduses appartiennent aux Cnidaires et sont presque toujours marines ; cependant, il est possible d’observer, dans plusieurs régions du monde, une espèce dulçaquicole (c’est-à-dire vivant seulement dans l’eau douce) : c’est le cas de « Craspedacusta Sowerbyi » ou méduse d’eau douce.
Craspedacusta Sowerbyi est tellement peu commune qu’elle n’a pas de réel nom hormis celui en latin. Certains l’appellent « cnidaire » mais il s’agit du nom qui regroupe toutes les variétés de méduses, tant d’eau douce que d’eau salée.
Elle tire son nom dans un premier temps du grec : crasped = frange, et du latin custo = poche, vésicule (ce nom de genre désigne donc un « petit ballon à franges » – jolie description ! et, dans un second temps du nom du naturaliste anglais : William Sowerby (1827 – 1906), conservateur du Regent’s Park à Londres.
En effet, c’est W. Soweby qui découvrit cette espèce en 1880 au sein même du bassin de plantes tropicales dans les serres du jardin botanique Royal du Regent’s Park.
Par la suite, l’espèce a été identifiée par Edwin Ray Lankester (le 17 juin 1880) qui lui a donné le nom de Craspedacusta Sowerbyi.
Ensuite, elle est repérée pour la première fois à l’extérieur des serres en 1928 en Angleterre (Exeter Ship Canal, Devon).
Selon les spécialistes, elle est originaire du fleuve Yang Tsé Kiang (sur environ 2 000 km le long du fleuve et de ses affluents principaux) et se serait développée par l’introduction de plantes aquatiques chinoises en Europe. On la rencontre désormais partout dans le monde.
Description
Craspedacusta Sowerbyi se présente grossièrement sous une forme d’hémisphère légèrement aplati.
La taille de Craspedacusta Sowerbyi va de 5 à 20 millimètres de diamètre, elle n’a pas de tête ni de squelette, pas d’organes respiratoire ni d’excrétion.
Elle possède un large estomac central, en forme de vase à base échancrée et s’ouvrant sur une bouche composée de 4 lèvres légèrement retroussées.
Craspedacusta Sowerbyi a 4 longs tentacules au centre et autour de 50 à 500 tentacules qui facilitent la nage et la stabilité.
Incolore à blanc, son corps est composé de 99 % d’eau et son poids moyen est de 4 grammes.
Aussi, des recherches ont montré que cette espèce commence son activité de migration verticale en fonction de la lumière. Les méduses sont inactives durant la nuit et demeurent au fond du lac ou de la carrière jusqu’au début de la matinée. Mais, et au fur et à mesure que la lumière du soleil traverse l’eau, elles commencent à nager vers la surface (pour se nourrir probablement). Donc la lumière agit sur leur fonction de pulsation sinon elles restent inactives dans les eaux moins éclairées.
Les tolérances physico-chimiques sont les suivantes : des températures variables de 6 à plus de 30 °C avec un optimum entre 19-30 °C ; tolérance zéro pour la salinité ; le pH de l’eau doit être proche de la neutralité.
Biotope
Cette méduse d’eau douce se rencontre dans des eaux claires, bien filtrées et renouvelées. Visible dans les environnements à courant très faible, elle ne vit que dans des eaux ne comportant pas de traces de pollution. La présence des méduses dans les eaux douces est donc un indice de leur qualité.
Cette méduse d’eau douce pourra être rencontrée dans les rivières, les lacs ou les étangs, mais également dans les chenaux. La première observation en France fut dans le Parc de la Tête d’Or à Lyon en 1901. Elle a été observée sur tous les continents, de l’Amérique, en passant par l’Europe, l’Afrique et à l’Inde (genre : Limnocnida) ou encore l’Australie (sauf l’Arctique !).
L’apparition soudaine et massive de Craspedacusta Sowerbyi est une caractéristique commune chez les groupes de méduses, mais reste quand même énigmatique. Toutes les études sur les méduses d’eau douce, semblent soutenir l’idée que le déplacement de cet animal, d’un pays à l’autre et d’un continent à un autre, se fait soit par la migration des oiseaux, soit par les échanges de marchandises.
En France, sa présence a été relevée dans la carrière de la Preuille dans les DEUX SEVRES, dans la carrière de la Graule dans la CREUSE, à Trélazé et Bécon.
Parfois dans des cours d’eau à très faible courant, elle a été observée dans le Dropt en 1930 (affluent de la Garonne), dans la Mayenne en 1933 et en 1991, ou encore dans le Doubs (affluent de la Saône).
Au cours de l’épisode de grosse chaleur en Russie à l’été 2010, des observations de cette espèce ont été signalée dans une rivière de Moscou !
Reproduction
Craspedacusta Sowerbyi est intéressante par sa façon de vivre. Elle possède trois formes de vie différentes : polype, podocyste, méduse.
Craspedacusta commence sa vie comme un petit polype (orifice vers le haut), accroché à la végétation subaquatique, aux pierres ou aux souches d’arbre.
Les polypes sécrètent une substance visqueuse pour se camoufler grâce aux particules qui se collent sur eux.
Au cours des mois d’hiver, dans une eau comprise entre 6 et 10 °C, les polypes se contractent et deviennent des organismes au repos : des podocystes.
Ce sont des balles cellulaires entourées d’une membrane chitineuse[1] qui les protège des basses températures et du manque de nourriture. Sous cette forme, le transport est possible d’un point d’eau à un autre par des oiseaux avec la vase souillant leurs pattes, des poissons introduits ou peut être par des plongeurs !
Une fois que les conditions redeviennent favorables, les podocystes se transforment à nouveau en polype.
Ce polype se reproduit de manière asexuée par strobilation : bourgeonnement végétatif par évagination[2] de la paroi donnant naissance à des sortes de « boutures » allongées ou arrondies (le bourgeonnement médusaire).
Cette strobilation produit soit des bourgeons à hydranthes[3] qui, sans se détacher, vont devenir soit de nouveaux polypes et former ainsi une colonie (les enfants et les parents partagent la même cavité gastrique) ; soit des frustules[4], qui en séparant du polype parent, vont se disperser et former une nouvelle colonie.
Dans ce cas là, si les conditions de température sont optimales (eau à plus de 25 ° C) le bourgeon peut se développer en méduse (orifice vers le bas). Cette apparition se déroule de juillet à octobre avec un pic, de fin août à début septembre.
L’apparition de Craspedacusta Sowerbyi est sporadique et imprévisible d’année en année. Il n’est pas rare de la voir apparaître dans un plan d’eau où elle n’avait jamais été observée avant, en très grand nombre pouvant atteindre des densités de 70 individus mètre carré jusqu’à 3 000 individus par mètre carré.
Cette reproduction sexuée va donner des œufs. Ceux ci vont éclore au fond du lac ou de la carrière et donner des polypes qui se fixeront sur des pierres ou les souches d’arbre.Sous la forme de méduse, la reproduction est sexuée par émission d’ovule et de spermatozoïdes (comme pour le corail ou les oursins qui libèrent leurs œufs en même temps pendant que d’autres libèrent du sperme).
La reproduction sexuée est moins fréquente que la reproduction asexuée.
Une fois les méduses mobiles, elles vont flotter au gré des courants puis vont se reproduire si la température de l’eau est toujours adaptée.
Quinze espèces de méduses d’eau douce sont connues, mais Craspedacusta Sowerbyi est la seule à se reproduire de manière sexuée.
L’irrégularité des apparitions s’explique par le fait que la reproduction sexuée, sous forme de méduse, nécessite des conditions climatiques (notamment une température élevée) qui ne sont pas réalisées tous les ans.
Alimentation
Craspedacusta Sowerbyi a un vaste régime alimentaire qui lui permet de s’adapter à la ressource du milieu, en plus de ne souffrir de presque aucune prédation. Il n’existe qu’un seul animal qui peut la manger, c’est l’écrevisse américaine du genre Orconectes.
Craspedacusta Sowerbyi se nourrit de zooplancton de larves de moustiques, de vers de vase, d’œufs de poisson, d’acariens d‘eau, et d’autres zooplanctons.
Les proies sont capturées avec des tentacules urticants. Sur la longueur de ses tentacules, une sorte de gelée attend une proie convenable. Une fois le contact établi, des vésicules urticantes, contenant un filament enroulé en forme de harpon (nématocyste) foudroient la proie. L’injection de poison paralyse l’animal qui, ainsi saisi, est enroulé par le tentacule. Ce sont ces mêmes tentacules qui amènent la proie dans la bouche où l’aliment est libéré puis digéré.
Contrairement à certaines autres méduses, les nématocystes[5] de Craspedacusta Sowerbyi sont dans l’impossibilité de pénétrer la peau humaine. Par conséquent les méduses d’eau douce sont incapables de produire la piqûre douloureuse causée par les méduses marines.
Données scientifiques
Règne : Animalia
Embranchement : Cnidaria
Classe : Hydrozoa
Ordre : Limnomedusae
Famille : Olindasidae
Genre : Craspedacusta
Espèce : Sowerbyi (ou Sowerbii)
Année description : 1880
Nom scientifique : Craspedacusta Sowerbyi
Noms communs : Craspedacusta Sowerbyi Lankester, 1880
Méduse d’eau douce (F) ;
Freshwater jellyfish (GB) ;
Medusa de agua dulce (E) ;
Medusa di acqua dolce (I) ;
Pfirsichblütenfisch (D) ;
Süsswassermeduse (S);
Zoetwaterkwal (NL)…
Espèces ressemblantes
Craspedacusta iseanoa (découverte en 1922) : 128 tentacules répartis sur 6 lignes, les nématocystes sont difficilement visibles au sein des tentacules (absence de protubérance contrairement à Craspedacusta sowerbyi).
Craspedacusta sinensis (découverte en 1929) : les 4 longs tentacules péri-radiaux sont difficilement distinguables des autres tentacules, contrairement à Craspedacusta sowerbyi.
Craspedacusta sowerbii kiatingi (découverte en 1939) ;
Craspedacusta sowerbii xinyangensis (découverte en 1980)
Craspedacusta sowerbii hangzhouensis (découverte en 1980) ;
Craspedacusta sichuanensis (découverte en 1984) ;
Craspedacusta chuxiongensis (découverte en 2000) : identifiées dans la rivière Yangtze, Beibei, Chongqing, Japon.
Craspedacusta brevinema (découverte en 2002) ;
Alain BENOIST, MF1 à l’ASCSB plongée
Sources :
http://www.archipel.uqam.ca/7818/1/M13842.pdf
http://www.lecompa.fr/dossier-web/un-musee-meduse/des-meduses-partout
http://doris.ffessm.fr/Especes/Meduse-d-eau-douce3/(rOffset)/1
https://www.aquaportail.com/fiche-corail-2752-craspedacusta-sowerbyi.html
http://www.rsba.ca/recherche_espece/fiche_espece.php?recordID=486&lan=fr
http://www.rca-subaquatique.org/meduse.htm
https://www.youtube.com/watch?v=C9z8cj1taZY
https://www.youtube.com/watch?v=RBwNTFTKh2I
http://forumnationalsurleslacs.org/wp-content/uploads/Nadia.pdf
PHOTOS : Julien Chardron
[1] Substance organique azotée qui constitue le principal élément des téguments des insectes, des crustacés ainsi que de certains champignons et lichen.
[2] Expulsion d’un organe hors de sa gaine.
[3] Dans les colonies animales, les hydrantes sont considérées comme des individus.
[4] Le frustule est une coque entourant certaines algues unicellulaires microscopiques.
[5] Le nématocyste est une partie de cnidocyte (zone globuleuse de la cellule urticante), accueillant toute la structure d’éversion du harpon venimeux contenant le poison.
Un nématocyste est donc une vésicule urticante des cnidaires, contenant un filament enroulé en forme de harpon